Poèmes à Faye – 55

Ô Faye

un nabab à Bangkok

fait bimber des mineures

à dada sur Moby Dick Daddy Pacha

pour l’argent du beurre

Bamboo Girl passe

au wok

Ô Faye

un gogo à nymphettes

à Pantin ou Phuket

ou Putainouchnoque-

lès-Woawoa

enrobé dans son suint

relève Alleluiah

sa molle bistouquette

en louant quelques seins

qui traînaient là

Ô Faye

à l’enseigne du Market

partout les mêmes marques :

Universal Prostitution

Worldwide Fuck

Global Tristesse

and so on

and so forth

Ô Faye

combien de jeunesses

pour quelques dollars

foutues en l’air

combien de paires de fesses

à l’épreuve du lard

enfin quelle misère

Ô Faye

mais sais-tu au moins ça

ma divine

mon idole de bois ?

Poèmes à Faye – 54

Ô Faye

je travaille la chair

en sous-cutané j’ai

le chip le scalpel le billot

l’écran la blouse les gants

le masque et un cerveau

fantasque visionnaire

Ô Faye

je t’élabore au

niveau moléculaire

embryon de poupée

engin de gènes au néon vert

superplastique souris

blanche de laboratoire

Ô Faye

et t’étiquette monopole

modèle cloné traçable

docile bouche de soie

yeux de chatte première

femelle entièrement démontable :

suprême révolution

dans l’industrie du lard

un paquet de dollars

Poèmes à Faye – 53

Ô Faye

Santa Croce de la Luna

en lambeaux de pulpe

solaire

haute et

prise dans les serres

du Bubo Bubo

chevauches à cru

la cuisse de la

nuit ô la dernière

Ô Faye

l’œil au hublot je

scrute la nuit d’effroi

White Moon à l’heure

vampire ô Faye tu es

ma bouée

dans les nuages déboussolés

du ciel d’Apocalypsa

Ô Faye

l’œil orangé

de la Tyto Alba

surveille sur un roncier

crève-cœur la progression

des légions blanches

la nuit crisse de fourches

et d’ailes en partance

d’en bas j’entends le houhou tabou

des hiboux hurler que

l’aube demain n’aura plus

qu’une infime chance

Ô Faye

des plumes de sang

jalonnent les volières

l’heure du chat-huant

miaule dans les cieux

du nid jusqu’à l’enfer

Poèmes à Faye – 52

Ô Faye

rousse Amazone

à l’incendie entre

les pinces du Cancer

mélanome malin

dévorant les pâleurs

qui contestent sa zone

Ô Faye

motel désolé

Nouveau-Mexique

Cadillac capot grand

ouvert cuisses sur la

portière corsage aéré

viol de soleil

à cheval sur la carrosserie

seins confits cônes

de miel

Ô Faye

dans le fond du

canyon un troupeau

de morses chippendales

humides grognifères

ventres d’argile échoués

dans un cul-de-sac

social du Grand Désert

à la pointe des dents

se déversent

et se hissent jusqu’au

piton au précipice

Ô Faye

buisson ardent

flamme sorcière si tu

montes au Paradis

je descends en Enfer

Poèmes à Faye – 51

Ô Faye

tu es désolation

feu essence

station-service capote

de pissotière liquide

vaisselle paquet

de chips étoile du

voyage lune plastique

encollée à l’échine

molle des nuages

Ô Faye

tu es prostitution

camion vice

frite froide canette

de cola essuie-glace

pare-brise ice-cream

brise-glace sautoir

de perles bitume

moite coulant comme

une langue noire

Ô Faye

tu es destination

mallette carte

code-barres

thalasso banque

moka flingue radio

pneu chaud qui

éreinte l’asphalte

néon water closet

regard croisé

lèvres à l’embouchure

d’une paille